Kinshasa, épicentre d’une nouvelle fièvre politico-judiciaire. Le thermomètre est monté d’un cran ce lundi 2 juin 2025 avec l’installation officielle de la commission spéciale chargée de décortiquer le réquisitoire du Procureur Général Firmin Mvonde visant Nicolas Kazadi, l’ancien argentier du pays, aujourd’hui député national. Un « cas » qui promet de faire couler beaucoup d’encre et de salive dans les travées de l’Assemblée Nationale, présidée par un Vital Kamerhe qui, en stratège, a rapidement mis sur orbite cette instance le 31 mai dernier.
C’est donc à Raphaël Kibuka Kia Kiese, élu MLC du Mont Amba, que revient la tâche herculéenne de présider cette arène parlementaire. Un casting complété par Niongo Nsuami Marie-Josée et Kashoba Kabonshi Dénis (Ensemble pour la République) aux vice-présidences, tandis que les plumes de Sumey Kitenge Pierre et Bokundu Mukuli Pierre seront chargées de consigner les débats en tant que rapporteur et rapporteur adjoint. Un véritable « commando » parlementaire face à une mission à haut risque et à très courte échéance : 72 heures, pas une de plus, pour présenter ses conclusions. La pression est maximale, le temps, un luxe que la commission ne peut s’offrir. Tic-tac, l’horloge tourne déjà pour ce qui s’annonce comme un examen de passage crucial, tant pour l’accusé que pour l’institution parlementaire elle-même.
Au cœur du cyclone, les déclarations fracassantes de Nicolas Kazadi le 4 mai 2025. Une sortie médiatique perçue comme un véritable « pavé dans la mare » du Kasaï Oriental jusqu’aux rives du fleuve Congo. L’ancien ministre, loin de manier la langue de bois, avait dépeint une « gabegie financière à outrance », une « culture de la jouissance » piétinant l’orthodoxie budgétaire, des « projets improductifs » servant de paravents à des desseins moins avouables, et une inflation d’établissements publics – une cinquantaine selon lui – dont l’utilité et le fonctionnement réel posent question. Un réquisitoire avant l’heure, dressé par celui qui fut aux manettes des finances publiques.
Le Procureur Général Mvonde, dans sa lecture transmise par le rapporteur Jacques Djoli, n’a pas manqué de relever ce qui s’apparente, selon l’accusation, à une « propagation de faux bruits » et, plus délicat encore, à une « divulgation de secrets d’État ». Kazadi aurait, en effet, étayé ses propos en citant des « cas emblématiques » débattus en Conseil des ministres. Un « Kazadi-gate » qui touche également au « mauvais entourage du Chef de l’État », accusé de pratiques confinant au « mafieux », et à des irrégularités dans le paiement des jetons de présence, court-circuitant le ministère des Finances au profit de l’Inspection Générale des Finances.
Désormais, la balle est dans le camp de la commission Kibuka. Il s’agira pour Nicolas Kazadi « d’éclairer la lanterne de la justice », une formule consacrée qui cache mal les enjeux politiques sous-jacents. Car au-delà du sort personnel de l’ancien ministre, c’est bien la gouvernance de l’ère Tshisekedi qui est, une fois de plus, mise sur le gril, l’opposition voyant dans ces allégations la confirmation de ses critiques récurrentes. L’Assemblée Nationale retient son souffle, suspendue aux conclusions d’une commission dont chaque heure est comptée. Un véritable test de crédibilité où le jeu de mots se mêle au jeu de pouvoir. Affaire à suivre, avec la certitude que les prochains jours ne manqueront ni de piquant, ni de révélations.
Célestin Botoleande