Une quarantaine d’intellectuels, de militants des droits humains et de personnalités de la société civile congolaise, parmi lesquels figure le Prix Nobel de la paix Denis Mukwege, ont adressé une lettre ouverte au président de la République démocratique du Congo, exprimant leur vive inquiétude quant à la direction prise par les discussions diplomatiques en cours pour résoudre la crise dans l’est du pays.
Publié le 29 avril, à la veille d’un sommet crucial entre la RDC et le Rwanda à Washington, le texte alerte sur une « menace existentielle » pesant sur la RDC, dénonce l’occupation de territoires congolais par l’armée rwandaise et le groupe armé Alliance Fleuve Congo/M23, et met en garde contre ce qu’ils qualifient d’ « esprit transactionnel » dominé par des intérêts étrangers, notamment américains.
« Notre pays est amputé, des millions de nos compatriotes vivent sous la menace, dans l’angoisse de la famine et de la violence armée », déplorent les signataires, soulignant la gravité de la crise humanitaire et sécuritaire, ainsi que la découverte de fosses communes au Nord et Sud-Kivu.
La déclaration de principes signée le 25 avril à Washington entre la RDC et le Rwanda, sous la médiation des États-Unis, suscite leur méfiance. Bien qu’elle réaffirme les principes de souveraineté et d’intégrité territoriale, les auteurs du texte la jugent opaque et non inclusive.
« La paix est notre seul horizon », affirment-ils, tout en insistant sur le fait que cette paix ne doit pas se construire au détriment des ressources naturelles du pays. Ils rappellent au chef de l’État que tout accord engageant ces ressources sans l’aval du Parlement constitue une violation de la Constitution.
Ils appellent à des consultations nationales, à l’intégration de la justice transitionnelle dans les négociations, et exhortent le président à « ne pas brader » les richesses congolaises dans le cadre d’une intégration régionale soutenue par des puissances étrangères.
Les signataires citent notamment les paroles du pape François, prononcées lors de sa visite à Kinshasa en 2023 : « Retirez vos mains de l’Afrique. Elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser ».
Outre Denis Mukwege, la lettre est signée par des personnalités telles que Me Jean-Claude Katende (Asadho), les professeurs Alphonse Maindo et Jean-Claude Maswana, Dismas Kitenge, Joseph Bobia Bonkaw, et une trentaine d’autres figures de la société civile, du monde universitaire et de la diaspora congolaise. Cette initiative témoigne d’une mobilisation importante de la société civile congolaise face aux enjeux cruciaux des négociations en cours.
Célestin Botoleande