Dans la tentaculaire mégalopole kinoise, derrière le tumulte des artères principales, une crise silencieuse ronge le quotidien des plus vulnérables. L’accès aux soins de santé, pierre angulaire d’une existence digne, demeure un mirage pour les enfants hébergés dans les orphelinats de la capitale. Faute de deniers sonnants et trébuchants, ces jeunes âmes sont livrées à la merci des pathologies, privées d’un suivi médical sine qua non en cas de complications. L’organisation des dispositifs de santé au sein de ces structures caritatives confine à l’urgence.
Notre équipe a posé ses valises à l’orphelinat HOE, niché dans la périphérie de Mont-Ngafula. Ici, trente orphelins, dont les âges oscillent entre cinq et vingt-deux printemps, tentent de construire leur avenir. Si une majorité fréquente les bancs de l’école, une poignée d’aînés se démènent pour leur pitance. Pour tous, l’accès aux soins relève d’un véritable chemin de croix. Marie-Noëlle, la responsable, mène un combat quotidien pour assurer le minimum vital : nourrir ces bouches affamées.
« Notre salut repose sur les maigres revenus de notre petite boutique. Ici, la providence divine est notre seul allié. Chaque aube, nos prières s’élèvent, implorant une âme charitable qui reconnaisse la valeur sacrée de ces enfants », confie-t-elle, le regard empreint d’une foi inébranlable, à notre rédaction.
Face à la maladie, une lueur d’espoir émane parfois d’une église avoisinante, où les enfants trouvent réconfort spirituel et une aide ponctuelle. Une obole bienvenue, certes, mais souvent insuffisante pour éponger les factures médicales qui s’amoncellent.
« Il nous arrive de puiser dans nos fonds propres. Mais lorsque l’ardoise s’alourdit, quelques âmes charitables de l’église mettent la main à la poche », explique Marie-Noëlle, consciente de la précarité de cette assistance.
L’étroitesse des locaux constitue un autre écueil majeur. Contrainte par le manque de moyens, la responsable se voit dans l’obligation de refuser de nouvelles admissions. « Nous devons nous résoudre à dire non, car nos capacités sont saturées. Nous ne sommes pas une institution étatique et nos ressources ne sauraient suffire à prendre en charge davantage d’enfants », se désole-t-elle.
Le tableau sanitaire s’assombrit davantage avec la récurrence du paludisme et de la typhoïde, affections endémiques qui minent la santé des enfants et fragilisent les maigres initiatives génératrices de revenus de l’orphelinat.
Le constat est tout aussi alarmant à l’orphelinat Bomoko, situé dans la commune de Selembao. Ici, la facture des soins s’envole et la prise en charge médicale demeure aléatoire. Maman Colette, figure maternelle de cette structure, tire la sonnette d’alarme.
« Les dons que nous recevons sont majoritairement matériels. Trouver les liquidités pour acquitter les ordonnances relève souvent du casse-tête. Nous sommes parfois contraints de brader nos maigres provisions pour accéder aux soins », témoigne-t-elle, la voix empreinte d’une amère résignation.
Dans cet établissement abritant vingt-sept enfants, dont l’âge varie d’un à dix-sept ans, seuls dix ont la chance de fréquenter l’école. Parmi eux, un jeune garçon lutte contre l’asthme.
« Récemment, nous avons vécu une crise aigüe. Il suffoquait et doit constamment avoir son inhalateur à portée de main. Une dépense supplémentaire qui grève notre budget déjà exsangue », relate Maman Colette, le souci se lisant sur son visage.
Des maux apparemment anodins n’en demeurent pas moins préoccupants et nécessitent une prise en charge. « Les adolescentes souffrent d’irritations dues à la piètre qualité des serviettes hygiéniques, entraînant parfois des infections. Débourser plus de 4 500 francs congolais mensuellement pour acquérir cinq serviettes de qualité relève du luxe pour nous. Les donateurs pensent rarement à ce besoin spécifique », déplore la responsable de l’orphelinat Bomoko.
En cas de contagion, l’isolement des enfants malades s’impose, une mesure déchirante mais nécessaire. « Notre benjamin a contracté la varicelle et j’ai dû le mettre en quarantaine pour épargner les autres. Un crève-cœur de le voir seul pendant que ses camarades s’amusaient », confie-t-elle, la tristesse palpable dans sa voix.
Un suivi médical régulier et des examens de santé s’avèrent pourtant cruciaux pour garantir le bien-être de ces enfants. Des actes médicaux que les maigres ressources des orphelinats rendent souvent inaccessibles. La santé de ces jeunes vies, déjà marquées par l’abandon, ne saurait être une variable d’ajustement budgétaire. Un cri d’alarme retentit dans les faubourgs de Kinshasa : il est urgent d’apporter un soutien pérenne à ces sanctuaires de l’enfance en détresse.
Célestin Botoleande