Le Palais de Justice de Kinshasa a été le théâtre, ce lundi, d’une joute oratoire et procédurale d’une rare intensité. Le Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Constant Mutamba, a ouvertement « défié » le Procureur Général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, dans une déclaration tonitruante qui promet de faire des vagues dans le microcosme judiciaire congolais.
Loin des formules convenues, Constant Mutamba n’a pas ménagé ses mots, adressant directement à son homologue du parquet général des propos d’une franchise déroutante. « Dites-lui, qu’il était dans le même groupe que les kabilistes, le groupe des maffieux. Il voulait m’humilier, salir ma réputation, » a-t-il lancé, n’hésitant pas à invoquer une protection divine : « Dites-leur que le dieu de mes ancêtres est plus grand que leur dieu. » Affichant une détermination inébranlable face à la menace d’une détention, le ministre a martelé : « Dites-leur que je n’ai pas peur de la prison, je suis prêt. Ils disaient que j’ai pris la fuite depuis la Tanzanie. Dites-leur que je suis venu les affronter, me voici à Kinshasa, au Palais de justice. »
La riposte du Garde des Sceaux ne s’est pas limitée à la défiance personnelle. Elle s’est également muée en une contre-offensive d’ordre procédural. « Dites-lui aussi, j’attends qu’il justifie tous les biens. J’attends que les enquêtes sur lui se terminent, » a-t-il asséné. Mutamba a ensuite pointé du doigt une « faute disciplinaire grave » de la part du Procureur Général, arguant que « celui qui fait l’objet d’enquête ne peut pas enclencher une action contre le ministre de la Justice. » Une lecture audacieuse des règles de procédure, laissant entrevoir des « conclusions de droit » que le ministre entend bien « tirer ».
La tension est montée d’un cran lorsque Mutamba a réagi aux convocations du Secrétaire Général du ministère de la Justice et du directeur de l’administration pénitentiaire par le Procureur Général. « J’ai dit qu’ils n’iront pas là-bas, » a-t-il fermement déclaré, soulignant un potentiel conflit de compétence et de hiérarchie au sein même de l’appareil judiciaire.
Cette joute de titans intervient alors que le Procureur Général près la Cour de cassation avait, de son côté, déjà saisi le Président de l’Assemblée nationale pour obtenir l’autorisation d’enclencher des poursuites contre le Ministre de la Justice. Une démarche qui met en lumière les fragiles équilibres institutionnels et les délicates lignes de démarcation entre les pouvoirs. L’issue de cette confrontation, qui relève tant du juridique que du politique, sera scrutée avec la plus grande attention.
Célestin Botoleande