Par Edmond Izuba
L’on découvre déjà, à travers la pluie d’ordonnances qui s’est abattue tout le week-end dernier, que le décor d’un procès en appel est dès maintenant planté. A quelques jours seulement de l’ouverture du procès en appel de Vital Kamerhe, ancien directeur de cabinet du président Félix Tshisekedi, des remues ménages sont opérés dans l’appareil judiciaire congolais. Dans ces nominations des animateurs des cours et tribunaux, les juges, magistrats, avocat de la république, bref ceux qui ont cloué Vital Kamerhe devant le tribunal de grande instance de la Gombe ont été promus. Même feu juge Raphaël Yanyi qui présidait les premières audiences du procès Kamerhe n’est pas en reste, il a été admis à titre posthume à l’ordre national « Héros nationaux Kabila-Lumumba » au grade de Commandeur, ensuite nommé Premier président de la cour d’appel.
Il désormais clair que, peu importe une alliance politique qui lie vital au chef de l’Etat Félix Tshisekedi, le procès ayant abouti à la condamnation de 30 années d’absence sur la scène politique de Kamerhe, dont 20ans des travaux forcés en prison et 10ans de non exercice des droits civiques et politiques, est retenu parmi les procès modèles d’un Etat de droit, vision du président de la république. En appel, dont les audiences démarrent le 24 juillet, Kamerhe risque d’assister impuissamment à un baroud ’honneur pour tenter se défendre une innocence à laquelle il croit fermement.
Conséquences des nominations de Kaluba, Kisula, Bakenge & Kaluila sur le procès 100 jours !
L’exception d’inconstitutionnalité qui a été soulevée au premier degré par les conseils de Kamerhe et Jammal, le co-accusé, sera certainement évoquée en appel par la ligne de défense des appelants. En tant que question préjudicielle, la cour se verra en droit de l’examiner et d’y donner suite.
La présence de Dieudonné Kaluba, ancien avocat de la république dans le procès Kamerhe, nommé juge de la cour constitutionnelle et un des acteurs qui jouât un rôle détonateur dans la condamnation de Kamerhe & Samih Jammal, ne manquera pas de contribuer d’une manière ou d’une autre à l’arrêt qui y sera rendu.
Nommé 1er juge président du tribunal de grande instance de la Gombe, Pierrot BAKENGE était le président de la composition au premier degré de l’affaire KAMERHE & consorts. En tant que chef de juridiction, sa présence est susceptible d’impacter elle aussi le procès en appel.
Effet : non seulement par cette nomination BAKENGE aura désormais la direction et le contrôle des archives et documentation du dossier KAMERHE & Cie, mais aussi la collaboration devant existant entre le premier juge et celui d’appel (communication des pièces et autres informations) peut vraisemblablement secouer la partie défenderesse en appel.
Adler Kisula, le procureur général du parquet de Matete où Kamerhe était placé sous mandat d’arrêt provisoire en attendant son jugement à la prison centrale de Makala, a été nommé à la Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF) et à la Cour de Cassation, un autre fait qui n’allégera certainement pas le sort des appelants.
La CENAREF est un service de l’État de lutte contre le blanchiment des capitaux et financement du terrorisme. Or, le procès Kamerhe et Samih Jammal a des implications quant à ce. Avec Kisula à sa tête, il n’est pas exclu que ce dernier fouille de fonds en compte ce dossier, y ajoute d’autres ingrédients aggravants s’il y en a, afin de les mettre à la disposition du juge d’appel.
Par ailleurs, comme Avocat Général près la Cour de Cassation, Adler Kisula jouera un rôle non négligeable dans cette affaire en cas de pourvoi en cassation.
Enfin, la promotion de Sylvain Kaluila, magistrat instructeur du procès Kamerhe, en tant que nouveau Procureur Général près la Cour d’appel de Matete est, elle aussi, un indicateur négatif pour les appelants. Rien n’exclut que ce dernier se retrouve encore comme organe poursuivant au procès d’appel (OMP) ou ne poursuive discrètement des enquêtes qu’il n’a pas pu achever, faute du temps, au niveau de la première juridiction de saisine.
Du procès à la politique ?
A en croire les observateurs judiciaires, Kamerhe a moins de chance d’adoucir la peine issue de sa condamnation au premier degré avec cette nouvelle configuration. Les magistrats, juges et avocat de la république promus, n’accepteront qu’ils soient indexés au deuxième degré comme ceux qui n’ont pas dit le bon droit. Plutôt que de se constituer en bloc pour sauver leur honneur en aggravant davantage le sort des appelants.
Loin de toute analyse prématurée ou hâtive parce qu’émaillée d’induction des suppositions, le salut de Vital Kamerhe, président de l’UNC et ancien directeur de cabinet du chef de l’Etat, n’est plus à chercher derrière les barreaux. Il doit capitaliser son emprisonnement pour déjouer sa mise à l’écart de la scène politique pour afin se positionner à la présidentielle de 2023, avec la bénédiction de Félix Tshisekedi, comme il est inscrit dans leur accord politique signé à Nairobi, quelques jours avant le début de la campagne présidentielle de 2018.