Le débat sur l’identité congolaise, toujours latent, vient de prendre une tournure explosive suite à des déclarations de Jean-Pierre Bemba, Vice-Premier Ministre et figure de proue de la majorité. En reniant publiquement l’identité congolaise de l’ancien Président Joseph Kabila, Bemba a involontairement ouvert une boîte de Pandore, provoquant une onde de choc et ravivant des blessures identitaires profondes.
C’est dans ce contexte tendu que l’ancien candidat à la présidentielle, Seth Kikuni, a choisi de monter au créneau. Avec la verve et l’acuité qui le caractérisent, Kikuni s’est fendu d’une analyse cinglante, propulsant la question de l’identité au centre de la scène politique et sociale.
« Si un président honoraire comme Joseph Kabila… se voit dénier son identité, que dire de nos frères Tutsi congolais ? »
La phrase choc de Seth Kikuni résonne comme un coup de semonce. Reprenant les propos de Bemba sur Joseph Kabila, qu’il qualifie de « Katangais de surcroît », Kikuni tisse un parallèle audacieux et interpelle directement la conscience nationale : « Si un président honoraire comme Joseph Kabila, Katangais de surcroît, se voit dénier son identité, que dire de nos frères Tutsi congolais ? » Une question qui ramène inévitablement aux racines de nombreux conflits qui ont déchiré l’Est du pays, souvent alimentés par la non-reconnaissance de l’identité congolaise de certaines communautés.
Pour Kikuni, l’identité est la pierre angulaire de l’existence individuelle et collective. « L’identité est la chose la plus importante dans la vie d’un individu ou d’un groupe. La lui reconnaître ou la lui renier fait toute la différence et peut constituer la raison principale d’un conflit. » Une analyse qui fait écho aux drames passés et présents, où la contestation de l’appartenance nationale a servi de ferment aux violences les plus extrêmes.
La « Philosophie du camp dit de la ‘Patrie » mise à nu
Seth Kikuni va plus loin, dénonçant une certaine « philosophie » qu’il attribue au « camp dit de la ‘Patrie' ». Il révèle avoir lui-même été victime d’insinuations sur ses « origines douteuses » lors d’une audition. Une anecdote personnelle qui illustre, selon lui, la dangerosité d’une rhétorique exclusive et clivante.
Face à ce qu’il perçoit comme une dérive, Kikuni, se positionnant parmi les « étiquetés ‘anti-patrie' », lance un message fort : « Nous, les étiquetés « anti-patrie », n’avons qu’une seule chose à vous dire : retenez que ce qui nous unit ou nous divise, c’est cette même patrie. » Une invitation à dépasser les clivages et à se concentrer sur l’essentiel : la cohabitation au sein de la nation.
La « problématique » n’est donc pas tant de savoir si les Congolais vivent sur cette terre, mais bien « comment nous y vivons ensemble. » Une question cruciale qui interpelle la capacité de la RDC à forger une nation unie, malgré la diversité de ses composantes et les tentatives de certains acteurs de jouer sur les ressorts identitaires.
Les propos de Seth Kikuni, relayés et commentés, mettent en lumière la fragilité des consensus nationaux et la nécessité d’un dialogue inclusif sur la citoyenneté et l’appartenance. Alors que le pays cherche la stabilité, ces joutes verbales sur l’identité rappellent que les fondations de la nation congolaise sont encore en pleine construction.
Célestin Botoleande