Par Serge Mavungu
La relance de l’économie de la RDC, après la pandémie de la COVID-19 avec ses effets dévastateurs sur le tissu socio-économique devrait, entre autres, s’appuyer sur l’intensification des « investissements étrangers » dans les secteurs clés de l’économie nationale. Pour faire face à ces défis de la relance, les experts de tous bords recommandent aux pays africains de profiter de l’opportunité pour concevoir et implémenter de nouveaux « paradigmes ». Bref, tenter d’innover ! Tel est un passage tiré de la huitième tribune du lobbyiste – stratégiste Patrick T. Onoya.
Le projet de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAF), par exemple, ne doit pas nous laisser indifférent, affirme-t-il.
Pour que ce projet ambitieux initié par l’Union Africaine profite aux congolais, il est impérieux que les décisions qui s’imposent se prennent dès maintenant afin que la RDC se positionne stratégiquement pour réussir l’implémentation d’une coopération « sud-sud » qui soit de type « gagnant-gagnant » pour les congolais.
D’où, d’après Patrick T. Onoya, la nécessité d’initier un débat de fond sur les capacités d’inclusion des congolais par l’Etat dans la jouissance de ses richesses.
S’inspirant de la Corée du Sud qui en 1963 a initié une série de réformes courageuses l’ayant hissé au rang de pays émergent 40 ans après ; et ce, en se basant sur un « pacte social » entre « l’Etat et les entrepreneurs », dans la perspective de la mise en œuvre de la zone de libre-échange continentale africaine, la RDC doit définir les secteurs de son économie à protéger et développer en priorité pour l’intérêt des congolais. Ce qui va conduire à migrer du concept de « Promotion » à celui de « Développement » des investissements, transformant, par conséquent, l’actuelle Agence Nationale pour la Promotion des Investissements en RDC (ANAPI) en Agence Nationale de développement des Investissements(ANADI).
L’intégralité de la Tribune du Lobbyiste Patrick T. Onoya ci-dessous.
TRIBUNE No 8 : VERS LA TRANSFORMATION DE L’ANAPI EN ANADI
(PROPOSITION DE LA REFORME DE L’ANAPI)
Rédigé par :
Mr Patrick T. ONOYA
Lobbyiste & Stratégiste
CEO du cabinet de consulting « Le Patron » basée à Dallas / Texas et à Kinshasa / RDC
Enseignant – Chercheur en Management et Sécurité Informatique
Coordonnateur National Adjoint chargé de l’Economie et de l’Investissement de l’ONG « Congo Meilleur » à Kinshasa / RDC
Date : le 06 juillet 2020
Mots clé : ANAPI, ANADI, Investissement direct étranger, entrepreneurs, investisseurs locaux, chaine de valeurs, modèle d’affaires, modèle d’investissement, Banque d’Investissement Congolaise, Fonds de Garantie d’Etat, Zone de libre-échange continentale africaine, COVID-19
- CONTEXTE
La relance de l’économie de la République Démocratique du Congo (RDC) après la pandémie de la COVID-19 avec ses effets dévastateurs sur le tissu socio-économique devrait, entre autres, s’appuyer sur l’intensification des « investissements étrangers » dans les secteurs clés de l’économie nationale. Pour faire face aux défis de la relance, les experts de tous bords recommandent aux pays africains de profiter de l’opportunité pour concevoir et implémenter de nouveaux « paradigmes ». Bref, tenter d’innover !
Par ailleurs, la détermination de l’Union Africaine (UA) de mettre en œuvre le projet de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAF) ne doit, non plus, nous laisser indifférent.
Pour que ce projet ambitieux initié par l’Union Africaine profite aux congolais, il est impérieux que les décisions qui s’imposent se prennent dès maintenant afin que la RDC se positionne stratégiquement pour réussir l’implémentation d’une coopération « sud-sud » qui soit de type « gagnant-gagnant ».
D’où la nécessité d’initier un débat de fond sur les capacités d’inclusion des congolais par l’Etat dans la jouissance de ses richesses.
Prenons un cas d’école : la Corée du Sud est un pays très pauvre en 1960, avec une industrie très peu développée et de faibles perspectives économiques. En 1963, le pays lance une série de réformes qui consistent à passer d’une stratégie « d’industrialisation par substitution aux importations » à une stratégie de « promotion des exportations ». Le pays entame alors une grande période de croissance et, à l’espace de quarante ans, multiplie son Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant par dix, soit un taux plus élevé que celui observé, par exemple, pour les Etats-Unis sur le siècle passé.
Il existe un vif débat quant aux raisons de ce « miracle »économique. Au début des années 1990, la plupart des observateurs considèrent les pays asiatiques comme un ensemble homogène et attribuent la croissance en Asie à la politique industrielle et à la coopération étroite entre « l’Etat et les entreprises ».
Les patrons de ces dites entreprises sont appelés des « Entrepreneurs ».
Face aux impératifs tel que ceux de la relance de l’économie après la COVID-19 et la mise en œuvre prochaine de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAF), il est important qu’il existe un « pacte social » entre l’Etat congolais et les entrepreneurs afin de permettre le « nivellement vers le haut » de ses derniers tout en créant un cadre attractif à la fois au développement des investissements locaux qu’étrangers en RDC ; et ce, en se basant sur une stratégie bien ficelée.
Tel est le leitmotiv de notre proposition de la réforme de l’Agence Nationale pour la Promotion des Investissements en RDC en sigle ANAPI pour laquelle nous exposons le contenu dans les paragraphes qui suivent.
- LA PROBLEMATIQUE DE LA PROMOTION DES INVESTISSEMENTS EN RDC
Au regard de la situation critique dans laquelle se retrouve la RDC et la détermination du Chef de l’Etat de pouvoir relever la situation sociale et économique du pays, quelques questions se posent :
– Quelle serait la bonne approche pour attirer le maximum d’investissements en RDC tout en faisant participer les congolais à la création des richesses ?
– Faisons-nous les choses de la bonne manière ou devons-nous analyser une autre manière de faire la promotion des investissements afin d’atteindre le maximum de résultat ?
Telles sont des questions que nous pourrons nous poser. Ce qui nous a poussés à réfléchir sur ce que nous appelons la « nouvelle approche de la promotion des investissements ».
La RDC a besoin des investissements massifs pour relever son économie et jouer son rôle sur l’échiquier mondial au regard de l’intensité des richesses qu’elle possède et de sa position géographique.
- L’ORIENTATION DE LA SOLUTION
Les experts en économie du développement se conviennent sur le principe suivant :
« Le facteur de développement primordial d’un pays est la volonté politique. »
En considérant la volonté politique manifeste du Chef de l’Etat en ce qui concerne particulièrement le volet des investissements, il s’avère opportun de repenser l’approche de la promotion des investissements en RDC pour la rendre beaucoup plus performante afin de contribuer efficacement à l’atteinte des objectifs visés par ce dernier.
Ainsi, cette réforme de l’ANAPI que nous proposons aura les deux piliers suivants :
– Pilier 1 : Mettre l’homme d’affaires congolais au centre de la problématique de la promotion des investissements ;
– Pilier 2 : Développer les chaines des valeurs.
D’une part, notons que, jusqu’à présent, il n’y a pas encore un pays au monde qui a pu développer les investissements étrangers de manière significative sans l’appui des investisseurs locaux.
Ainsi, un réseau d’investisseurs locaux aguerris, avisés et accompagnés par l’Etat constitue un support non négligeable à l’afflux des investisseurs étrangers au pays.
Cet état des choses permettra la mise en place de la tripartite :
« GOUVERNEMENT – INVESTISSEUR LOCAL – INVESTISSEUR ETRANGER »
C’est le trio gagnant !
A savoir que le soutien de l’entreprenariat congolais par l’Etat est le support indispensable à la création des « investisseurs locaux » auxquels nous faisons allusion.
A notre humble avis, voici une première orientation stratégique à donner au « Fond de Garantie d’Etat » que veut créer le Chef de l’Etat si nous voulons être efficaces.
D’autre part, à travers les chaines de valeurs, nous voyons :
- Primo : L’identification des actions stratégiques de promotion des investissements visant la création des « effets de levier » et des « effets boules de neige » ;
- Secundo : La prise en compte de toute la chaine de transformation dans les études et l’analyse des projets d’investissement.
Au demeurant, la RDC doit « urbaniser » les différents secteurs d’investissements afin de pouvoir créer des cadres, avant tout « conceptuel », mais aussi « organisationnel » permettant aux investisseurs étrangers de pouvoir prendre facilement la décision d’investir.
Ceci dit : « la conceptualisation et la prise en main des projets d’investissements en RDC ne devraient pas être différentes de celles utilisées, en Management des Projets, pour exécuter avec perfection un projet de construction d’une nouvelle ville, par exemple ».
Pour ce faire, un plan d’ensemble concernant les investissements en RDC, appelé « schéma directeur », doit exister ; sachant que chaque projet d’investissement est, en principe, une composante d’un tout cohérent. Dans notre pays, le manque d’un « Plan Stratégique de Développement » (PSD) est une lacune non négligeable sur les performances des actions de promotion des investissements entrepris par l’ANAPI. Nous espérons que cette lacune sera comblée très rapidement par le Ministère du Plan tutelle de l’ANAPI.
Ainsi, la prise de conscience des méfaits sur l’économie nationale de la problématique présentée ci-haut nous a amené à proposer la migration du concept de la « promotion des investissements » vers celui du « développement des investissements » : nouveau concept à intégrer dans le principe de fonctionnement de l’ANAPI.
Voilà pourquoi nous proposons, dans le cadre de la réforme proposée, de passer de l’appellation ANAPI vers l’ANADI ; sigle de « Agence Nationale pour le Développement des Investissements ».
En terme simple, il est question d’ajouter à la fonction « marketing des investissements » reconnue à l’ANAPI celle de « Commercial » et de « Développement des Affaires ».
Par conséquent, dans les attributions de la nouvelle ANADI, nous aurons, en plus des activités traditionnelles de promotion des investissements, il lui sera ajouté celle de « Développement des Modèles d’Affaires (ou Modèle d’Investissement) basé sur la création des chaines de valeur », et ce, afin de permettre d’accélérer la réalisation des investissements dans toutes les provinces de la République d’une manière cohérente et avec impact visible.
Par ailleurs, la libre administration des provinces reconnue par la constitution de la République du 18 Février 2006 et complétée par la loi 08/12 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces donne le droit aux gouverneurs de contracter des partenariats divers (dans les limites précisées par les articles 202, 203 et 204 de la constitution et l’article 58 de la loi citée ci-haut) dans le but assurer le développement de leurs provinces ; mais cela doit se faire en cohérence avec le plan d’investissement national et de manière à assurer l’efficacité des actions !
Dans les conditions présentées ci-haut, l’ANADI, qui est l’ANAPI réformée, deviendra un réel support au développement des provinces.
- CONTRIBUTION A LA MATERIALISATION DE LA VISION DU CHEF DE L’ETAT
Nous pensons que, avec la réforme proposée de l’ANAPI, la promotion des investissements va certainement, contribuer à une meilleure matérialisation de la vision du Chef de l’Etat ayant pour finalité : la création des richesses, des emplois ainsi que la création d’une classe moyenne en RDC.
Comme nous l’avons présenté dans le déroulé de notre argumentaire, la vision du développement des investissements en RDC devrait aussi tenir compte de l’évolution de l’homme d’affaires ou de l’entrepreneur congolais afin de permettre la création d’une classe moyenne. Sans cela, la vision du Chef de l’Etat risque d’être « un vœu pieu !».
A ce sujet, l’organe technique du gouvernement chargé d’accompagner le développement des Petites et Moyennes Entreprises (PME) congolaise s’appelle l’Office pour la Promotion des Petites et Moyennes Entreprise Congolaise en sigle OPEC. Pour assurer la réussite du projet de réforme de l’ANAPI proposé, cela doit aller de pair avec la réforme et la redynamisation de l’OPEC car c’est elle qui a la spécialité de développer le secteur de l’entreprenariat congolais au sein du gouvernement.
« Redynamiser l’OPEC, créer un Fond de Garantie d’Etat ainsi que créer une Banque d’Investissement Congolaise seront des supports indispensables au développement des investisseurs locaux. »
A savoir que :
- L’OPEC reformé …
- Le Fond de Garantie d’Etat et
- La Banque d’Investissement Congolaise.
Telle est notre interprétation de la vision du Chef de l’Etat comme exprimé dans son discours d’investiture. Il a dit vouloir :
« …Résoudre les problèmes sociaux, assurer le développement économique et créer une classe moyenne. »
- CONCLUSION
En conclusion, à notre humble avis, pour développer de façon significative les investissements en RDC et assurer la matérialisation de la vision du Chef de l’Etat dans ce secteur précis, les trois structures complémentaires présentées ci-dessous devront travailler de concert :
- Primo : L’ANADI se chargera des questions de marketing des investissements et de développement des affaires basé sur la création des chaines de valeurs sur toute l’étendue de la République (renforcé par la création d’une Banque d’Investissement Congolaise);
- Secundo : L’OPEC (reformé et renforcé par la création d’un Fond de Garantie d’Etat) se chargera d’accompagner les entrepreneurs locaux dans leurs développements afin de créer la classe des investisseurs locaux indispensable à la promotion des investissements selon la réforme proposée et enfin ;
- Tertio : L’APLC, sigle « de l’Agence de Prévention et de Lutte contre la Corruption », quant à elle, va s’appesantir sur les questions de prévention et de lutte contre la corruption, détournement et de fraude fiscale et parafiscale.
Autant que l’a fait en son temps la Corée du Sud pour impulser son développement, dans la perspective de la mise en œuvre de la zone de libre-échange continentale africaine, la RDC doit définir les secteurs de son économie à protéger et développer en priorité pour l’intérêt des congolais.
Patrick T. ONOYA