Par Serge Mavungu
Face à la transition énergétique à travers le monde, le débat autour du cuivre et cobalt de la RDC refait surface.
Les batteries des véhicules électriques seront fabriquées, en grande partie, à l’aide du cobalt de la RDC.
La RDC va-t-elle tirer son épingle du jeu?
Le peuple congolais va-t-il bénéficier de cette manne naturelle placée dans son sous-sol par le créateur de l’univers ?
Pour trouver une réponse adaptée à la situation, le gouvernement de la RDC doit prendre la décision de changer de « système de pensée » ou de « paradigme » concernant le développement du secteur minier.
Depuis l’indépendance (en 1960) jusqu’à présent, le secteur minier en RDC est orienté vers l’extraction négligeant les questions de transformation (la métallurgie).
Or sans une capacité de raffinage locale, la RDC quoi que productrice de minerais stratégique (cuivre et cobalt) reste spectatrice de ses produits sans possibilité d’influencer le marché international.
Découvrons la 9ème tribune de Patrick Onoya, Lobbyiste-Strategiste, étalé sur 11 pages intitulé: « Vers une nouvelle vision de développement du secteur minier en RDC à l’ère de la transition énergétique »
TRIBUNE No 9 :
« VERS UNE NOUVELLE VISION DE DEVELOPPEMENT DU SECTEUR MINIER EN RDC A L’ERE DE LA TRANSITION ENERGETIQUE »
Rédigé par : Patrick T. ONOYA
Lobbyiste – Stratégiste
CEO du cabinet de consulting « Le Patron » basé à Dallas / Texas et à Kinshasa / RDC
Enseignant-Chercheur en Management et Sécurité Informatique
Coordonnateur National Adjoint de l’ONG « Congo Meilleur » à Kinshasa / RDC
Date de publication : le 15 aout 2020
Mots clés : Secteur minier, code minier, métallurgie, ministère des mines et de métallurgie, transition énergétique, gouvernement de la RDC, changement de paradigme, innovation.
- CONTEXTE
On enseigne en République Démocratique du Congo (RDC) que ce pays est un « scandale géologique ». Et que la valeur des minerais de la RDC contenu dans son sous-sol serait équivalente à 24.000 milliards de dollars américains. Ensuite, on dit que pratiquement tous les minerais que l’on peut imaginer à l’esprit se retrouvent en RDC : Or, Diamant, Cuivre, Cobalt, Cassitérite, Coltan, etc. Tout y est !
Cependant, la RDC peine jusqu’à présent à profiter de cette « manne » lui légué gratuitement par le créateur de l’univers.
Par ailleurs, le Programme Alimentaire Mondial (PAM), quant à lui, évalue à 13 millions le nombre de personnes souffrant de malnutrition en RDC et que, selon les prévisions de cet organisme international, ce nombre risquerait de doubler au cours de cette année 2020 en tant qu’effet induit de la pandémie de la COVID-19.
- Les minerais de la RDC sont-ils la source du malheur de son peuple ?
Optimiste que je suis, je dirai que certainement « NON » : les minerais de la RDC ne sont pas la source de son malheur !
Néanmoins, la RDC doit apprendre de ses erreurs, tirer les leçons du passé et innover pour s’en sortir.
Réné Dumond, dans son livre très contesté par les dirigeants africains de l’époque intitulé « L’Afrique noire était mal parti », dresse un tableau très sombre de l’Afrique noire postcoloniale ; il dit entre autres, je cite :
« L’absence de toute rubrique relative à l’industrialisation était révélatrice. L’aide au développement aboutit ainsi à prolonger le caractère « primaire » de l’économie de l’Afrique Tropicale, à base agricole et extractive de matières premières. »
Ces propos sont pour le moins préoccupants car ce livre a été publié en 1963, et prêt de 60 après sa publication, nous constatons qu’au niveau structurel, les économies des pays d’Afrique noire pour la plupart, notamment la RDC, n’ont pas beaucoup évoluées.
L’on constate, par exemple, que l’industrie extractive de 1960 de la RDC est restée, par essence, la même qu’en 2020 :
« Aucune évolution structurelle significative ! Aucune réforme novatrice ! Adaptation insuffisante du secteur minier congolais au contexte économique mondial actuel ! »
En ce 21eme siècle, la transition énergétique mondiale est en marche. Et le cobalt de la RDC devrait jouer un rôle de premier plan dans la fabrication des batteries des véhicules électriques car notre pays possède plus de 60% des réserves mondiales ; plus encore, les prévisions montrent que l’utilisation du cuivre dans les véhicules électriques serait le double de ceux à thermique essentiellement en ce qui concerne le câblage électrique : « de nos jours, le cuivre et le cobalt sont, donc, deux minerais très stratégique pour assurer la transition énergétique au niveau mondial.» Et la RDC est potentiellement un pays producteur de ses deux minerais en quantité considérable ! Pour jouer pleinement un rôle de premier plan, il y a lieu que le gouvernement de la RDC puisse repenser sa vision de développement du secteur minier car, à l’état actuel, ce dernier est en totale inadéquation avec la dynamique mondiale dans ce secteur précis.
- PROBLEMATIQUE
Les paragraphes qui précèdent soulèvent un questionnement important ; à savoir :
- De quelle manière la RDC peut-elle s’y prendre pour jouer pleinement un rôle de premier plan dans la transition énergétique en cours à travers le monde ?
- Est-il possible que le peuple congolais puisse jouir un jour de ses richesses naturelles ?
- Pensée Philosophique
« La formulation d’un problème est de loin plus essentielle que sa résolution, laquelle peut n’être qu’une question de talent mathématique ou expérimentale.
Soulevez des questions inédites, de nouvelles possibilités, considérer des problèmes anciens dans une perspective nouvelle requiert une imagination créatrice et marque une réelle avancée de la science. »
Albert Einstein et L. Infield
Ces deux grands hommes de science du XXème siècle posent, à cet effet, une question fondamentale qui serait à la limite traitée de « polémique ». Entre celui qui pose la question et celui qui y répond ; qui est le plus d’important ? Chaque intellectuel a le droit d’émettre son point de vue à ce sujet (ceci n’est pas à l’objet du débat de ce jour).
Cependant, dans le contexte de la présente tribune, nous disons ce qui suit :
« Identifier les maux qui rongent le secteur minier congolais et réussir à formuler des orientations stratégiques idoines et de loin plus essentiel que sa résolution. »
(Confère la pensée philosophique ci-haut)
Sans complaisance, il est utile de se poser les vraies questions afin de provoquer un « iota » d’avancée de l’économie congolaise à travers le secteur minier.
Nous sommes conscients que la présente tribune n’abordera que partiellement l’ensemble des maux qui rongent le secteur minier congolais. Par conséquent, nous serons heureux de nous faire compléter par d’autres chercheurs et experts sur le sujet.
Ceci dit, considérons, donc, la présente comme une pierre de contribution ajoutée à la construction de ce grand édifice qu’est « le développement de l’économie de la RDC » à travers le secteur minier.
- ORIENTATION DE LA SOLUTION
Les anglo-saxons disent : « to think outside the box » ; que l’on peut traduire par « réfléchir au-delà du carcan ».
Tel sera l’expression clé de cette tribune pour espérer « changer de paradigme » afin d’impulser le développement du secteur minier en RDC qui, par essence, n’a pas beaucoup changé depuis l’indépendance en 1960.
Si la vision du secteur minier en RDC n’a pas changé pendant 60 ans, c’est certainement à cause du « système de pensée » ou du « paradigme » du secteur minier prôné par la « classe politique dirigeante » qui est resté « stationnaire » depuis l’indépendance.
Ainsi, la piste de solution que nous proposons nous est inspirée par Stepen Covey présenté dans son livre intitulé « the seven habits of highly effective people » que nous citons :
« Si vous voulez atteindre votre plus haut niveau d’aspiration (de vision) et remporter votre plus grand défi (challenge), identifier et appliquer les principes ou les lois de la nature qui gouvernent les résultats que vous recherchez ».
En nous accordant avec S. Covey et en appliquant ce principe au secteur minier congolais, nous disons ce qui suit :
« Il nous sera utile d’identifier et d’appliquer les principes ou les lois de la nature qui gouvernent le développement du secteur minier à travers le monde. »
Partant de ce qui précède, une question se pose :
- Quels ont été les piliers de développement du secteur minier dans les différents pays du monde ?
Tel est la sous-question à la problématique présentée ci-haut qui découle du principe de S. Covey appliqué au secteur minier congolais : « Il ne faut pas réinventer la roue, dit-on ! »
Pour sa part, Joseph Schumpeter, prix Nobel d’économie, concluait que la principale force directrice perturbant la stabilité de l’économie était l’avancée technologique (innovation). Les innovations existent à diverses échelles variées au fil du temps. Elles poussent au changement puis perturbent l’état stationnaire de l’économie. Une fois que l’innovation s’avère réussie et se répand, le système se remet dans un état stationnaire, jusqu’à la série suivante d’innovations.
Pour la petite histoire, J. Schumpeter est celui qui a conçu le terme « destruction créative », définissant l’effet sur les marchés de la nouvelle technologie remplaçant les produits existants, et les technologies rendues obsolètes.
Ainsi, ce dernier distingue plusieurs types d’innovation pouvant influencer positivement l’économie d’un pays. Cependant, celle qui a attiré notre attention et que nous allons exploiter dans le cadre de cette tribune est la catégorie d’innovations que J. Schumpeter qualifie de « innovations organisationnelles ».
En effet, les innovations organisationnelles permettent d’accroissent la « productivité » dans un secteur d’activité donné et affectent la « répartition de la main-d’œuvre » dans ce secteur précis de l’économie.
Dans nos recommandations qui seront présentées ci-dessous, nous proposerons au gouvernement de la RDC, entre autres, quelques innovations organisationnelles qui auront pour objectif de booster le développement du secteur minier congolais.
- QUELQUES INFORMATIONS SUR LA PRODUCTION MINIERE EN RDC
Voici 14 informations bonnes à savoir sur le secteur minier en générale et le cobalt congolais en particulier :
- La tonne de cobalt a frôlé les 100.000$ en 2017 avant de chuter à moins de 30.000$ en 2018, pour stagner autour de 34.000$ fin 2019.
- Le cobalt est de nouveau retombé sous l’effet du coronavirus depuis mars 2020 pour se stabiliser à 29.500$/T.
- Le cuivre, quant à lui, au début du confinement est passé de 4.626 $/T à mi-mars 2020 à 6.600$/T aujourd’hui.
- La production artisanale de cobalt représente entre 20 à 30 % du volume global.
- Le cobalt issu de l’artisanat est capté par des étrangers dont la majorité est constituée des asiatiques (Chinois, Indiens, Libanais, Pakistanais, Coréens, etc.) qui dictent les prix !
- La production industrielle du cobalt est de 75% du volume global en RDC.
- Autres informations utiles sur le secteur minier en RDC :
- aucune entreprise minière congolaise ne produit du « cobalt-métal »
- toute la production est exportée à l’état brut car, il n’existe plus de raffinerie au RDC.
- La « plus-value » et la « valeur ajoutée » profitent aux pays qui raffinent le cobalt à savoir : la Chine, la Finlande, l’Allemagne, la Pologne, la Belgique, le Canada, etc.
- La RDC ne stocke pas son cobalt pour tenter d’influencer le marché conformément à la loi de l’offre et de la demande. Que le prix baisse ou augmente, la RDC est spectatrice de son produit !
- La GECAMINES utilise encore la technologie de 1929 dans les usines de Shituru ; celles de 1960 à Luilu étant cédées à l’entreprise KCC. L’outil de la Gecamines n’est pas adapté à la réalité.
- Des spécialistes nous révèlent qu’à quelques exceptions près, très rares sont des entreprises qui récupèrent 35% du cobalt.
Moins de trois entreprises récupèrent 70% du cobalt. D’après un mémorandum adressé au premier ministre de la RDC en 2019 par l’ingénieur métallurgiste, Raphael Ngoy, ancien cadre de la GECAMINES, nous révèle ce qui suit :
« La GECAMINES n’a récupéré que 5% du cobalt et a jeté plus de 90% dans les rivières et dans la nature. »
- Loin de sa capacité nominale historique de 1989 avec 15.000 T / Cobalt, la GECAMINES a produit 60T en 2018 et 20T en 2019.
Avec l’obsolescence des usines de Shituru, son rendement est aujourd’hui quasi nul comme le confirme l’absence de production au 1er semestre 2020 avec zéro tonne produit.
- La plus grande quantité (plus de 70% du cobalt congolais) est raffinée en Chine.
Note :
Pour que la RDC soit dans le circuit mondial, elle doit raffiner localement son cobalt.
C’est l’une des conditions de l’appropriation de notre métal.
- La transition énergétique est en marche et le cobalt de la RDC devrait jouer un rôle de premier plan dans la fabrication des batteries des véhicules électriques.
- Les statistiques de production sont hallucinantes pour l’année 2019 :
- 1.400.000 T / cuivre
- 110.000 T/ cobalt
- Plus de 33 tonnes d’or
- 19.000 tonnes de cassitérite
- Et 1.256 tonnes de coltan, etc.
Un record historique en RDC. Mais lorsqu’on regarde les recettes de l’Etat, rien d’intéressant. Les retombées financières ne correspondent pas à la production minière. Paradoxe !
- On peut faire un simple exercice de calcul, facile à comprendre :
Les 110.000 T de cobalt ont généré 3.850 milliards$ (soit environ 4 milliards$) s’il faut considérer la tonne à 35.000$ en 2019.
Dans les conditions normales, la RDC aurait gagné environ 770 millions $ en raison de 15 à 20% de perceptions de l’Etat.
(Informations tirées de la tribune de Mr Gaby Kuba Bekanga)
- NOS OBSERVATIONS
- Point de vue d’un expert en Economie Internationale
«Par rapport aux pays industrialisés, les Pays En Développement (PED) sont faiblement dotés en capital et en main d’œuvre qualifiée. La rareté relative de ces facteurs de production contribue à un faible niveau de revenu par tête, empêchant ces pays de tirer parti des économies d’échelles dont bénéficient les pays riches. Et souvent cette insuffisance des facteurs de production n’est qu’un symptôme et cache des maux plus profonds.
L’instabilité politique, la faible protection des droits de propriété et les politiques économiques inadaptées découragent l’investissement en capital et en connaissance, ce qui réduit l’efficacité du système économique.»
Paul Krugman, Prix Nobel d’Economie 2008
Cette observation effectuée par ce professeur et expert en économie internationale est en accord avec un point important sur lequel plusieurs chercheurs en économie de développement s’accordent ; à savoir :
« Le facteur de développement primordial d’un pays est la volonté politique.»
Un pays évolue par la volonté politique du leader avant tout (et le contraire est aussi vrai).
Ceci place le leadership politique de la RDC au centre du débat : « qui veut peut, dit-on ! »
Le Botwana, par exemple, est un modèle à suivre en Afrique en ce qui concerne la volonté politique des dirigeants de faire bénéficier « leur peuple » des retombées des revenus miniers, en particulier, du diamant botwanais.
Ainsi, quel que soit la qualité du déballage scientifique et de l’expertise que nous pourrons étaler dans le cadre de cette tribune, cette dernière sera sujette à la « censure politique » !
Du moins, quel qu’en soit l’issue, ceci ne nous empêche pas de jouer pleinement notre rôle « d’éclaireur du politique » !
Voir ci-dessous quelques de nos observations :
- Insuffisance du nouveau code minier :
En analysant le préambule de la Loi n°18/001 du 09 mars 2018 modifiant et complétant la Loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier dans lequel est présenté les « raisons » de la révision du code minier de 2002, il apparait que le législateur ne s’est intéressé, essentiellement, qu’aux aspects de transparence, de fiscalité et parafiscalité, d’augmentation des recettes de l’Etat, des questions liées à la sous-traitance (ou à la participation des nationaux) dans des projets miniers, des modalités pour la mise en place des partenariats de type public-privés, de la prise en compte des questions environnementales et sociales dans le développement des projets miniers, de la gestion des zones d’exploitation artisanales, etc.
En menant une réflexion critique du code minier au niveau « structurel », nous constatons que la révision du code minier de 2002 est resté au niveau de la couche « extractive » ; aucune mention considérable faite sur la volonté de la RDC de jouer un rôle significatif au niveau de la « transformation » de nos minerais et de développer une chaine de valeurs, donc, d’intégrer les considérations « métallurgiques » ; à savoir que le « raffinage local » de nos minerais est une des conditions indispensables pour que la RDC intégre le circuit mondial tel que nous l’avons dit au point 4 ci-haut.
Bref, le code minier de 2018 n’apporte aucune innovation significative !
Ce qui nous a amené à dire que :
« D’un point de vue de la réflexion économique, au niveau structurel, le code minier révisé de 2018 ne s’est pas beaucoup écarté de la réalité de 1960. Le raisonnement du gouvernement de la RDC est resté orienté vers l’extraction. Ce qui ne permettra pas à la RDC de jouer un rôle de premier plan dans le cadre de la transition énergétique mondiale en cours. »
- Augmentation de la consommation du cuivre dans le monde :
Apres la pandémie de la COVID-19, les experts penchent sur une croissance de la demande du cuivre dans le monde. Selon Fitch Solutions, la demande mondiale de cuivre devait passer de 23,6 millions de tonnes en 2018 à 29,8 millions de tonnes d’ici 2027.
Par ailleurs, le cuivre se négocie actuellement sur le marché mondial autour de 6.500$ la tonne. Bien plus, les plans de relance économique post-covid annoncés aussi bien en Europe, aux Etats-Unis qu’en Chine pourront consolider le prix du métal rouge, selon les experts, nous renseigne le magazine en ligne www.deskeco.com du 11 aout 2020.
Il est bon de savoir qu’un véhicule thermique (essence ou diesel) contient environ 23kg de cuivre contre 40 à 63kg pour un véhicule électrique (et même 40 à 83kg selon une étude de l’International Copper Association datant d’avril 2018), utilisé principalement pour les câblages électriques.
Ces bonnes prédictions des experts sont une bonne nouvelle pour la RDC en tant que pays producteur du cuivre. A condition qu’elle joue bien son jeu !
- Situation mitigée dans la filière du cobalt congolais
Depuis quelques années, le cobalt est au cœur de l’industrie automobile et des technologies de l’information et de la communication. La RDC est considérée comme la plus grande réserve mondiale de ce métal exploité dans l’ex-Katanga. Un décret du premier ministre l’a même érigé en « minerai stratégique » après la révision du Code minier en 2018. Deux ans après, on s’interroge sur la stratégie mise en place par l’Etat pour contrôler le cobalt et en tirer bénéfice, s’interroge le magazine en ligne zoomeco.net en introduction de la tribune de Mr Gaby Kuba Bekanga consacré au cobalt congolais.
Il sied de constater que le gouvernement de la RDC était très emballé par l’idée de tirer profit immédiatement de son cobalt ; non, sur la base d’une profonde réflexion dans la durée, mais sur des faits « conjoncturels » et non « structurels ».
« N’ayant pas de raffinerie de cobalt implantée sur son sol, la RDC subit les évènements ! »
Elle ne contrôle ni ses ressources, ni leur exploitation, ni les exportations. La RDC n’est pas maitresse du jeu et de son destin.
La fraude dans ce secteur est orchestrée en plusieurs étapes : – le creuseur vend un minerai dont il ne connait pas la valeur exacte ;- l’exportateur déclare ce qu’il veut et peut ; – l’OCC, la DGDA et tous les autres services taxent ce dernier sur base d’une simple déclaration.
Partant de ce qui précède, il est difficile au gouvernement de la RDC de maitriser la situation et de tirer un réel profit de ce métal stratégique.
- Augmentation de la consommation de l’or dans le monde
Selon des spécialistes, l’or profite, outre de l’incertitude liée à la reprise économique mondiale dans le contexte de la pandémie de la COVID-19, d’autres facteurs géopolitiques et économiques qui se sont ajoutés aux craintes des investisseurs par les temps qui courent.
Déjà le 27 juillet dernier, l’once d’or a atteint la barre de 1.930,48$ battant ainsi le niveau historique de septembre 2011 où le métal jaune se négociait à 1.921,18$ ; à savoir qu’une once d’or correspond à un poids de 31,103 g d’or.
Après avoir prédit que l’or franchirait la barre des 2000$, les analystes du groupe Goldman Sachs estiment désormais que le métal jaune pourrait atteindre 2.300$ l’once dans les prochains mois, rapporte Agence Ecofin.
(Informations tirées de l’article consacré à l’or sur le magazine en ligne www.deskeco.com du 12 aout 2020).
Pour rappel, la RDC est un pays producteur d’or.
- Manque de transparence dans le secteur minier en RDC
Un cas probant de manque de transparence dans les projets miniers qui nous a été rapporté par le magazine deskeco.com est celui du projet minier SICOMINES. A ce sujet, l’observatoire Africain des Ressources Naturelles (AFREWATCH) s’est appesanti sur ce dit projet minier et dans sa note d’analyse du projet de cadrage des rapports ITIE-RDC 2018-2020, rendu public durant ce mois d’aout, AFREWATCH précise que :
« Le rapport ITIE aujourd’hui ne capte pas suffisamment d’informations sur le projet SICOMINES ni ne permet de créer un débat citoyen autour de ce projet, alors que le risque d’endettement pour le pays reste très grand.»
Ce rapport mentionne, entre autres, que 11 ans après la signature de la convention :
Sur 3 milliards $ des infrastructures, le Groupement Chinois (GEC) n’a déboursé que moins de 350 millions$. Alors que la logique normale aurait été que la partie infrastructure soit complètement financée avant que le projet minier entre en maturité / production.
Sans un suivi rigoureux, la RDC va financer ses propres infrastructures, payer les intérêts de son propre argent aux entreprises chinoises. Etant donné le risque d’endettement excessif sur la RDC, ceci n’explique pas pourquoi le GEC a 68% et la GECAMINES 32% dans le projet SICOMINES, rapporte la note d’analyse.
Par ailleurs, le projet SICOMINES n’est qu’un cas parmi tant d’autres ; le temps nous manquerait de parler du flou dénoncé par Global Witness dans l’accord conclu entre la GECAMINES et la compagnie d’Etat chinoise China Nonferrous Metal Mining group (CNMC) autour du projet de la mine de cuivre et de cobalt de Deziwa, potentiellement gigantesque, situé dans le sud de la région congolaise du Copperbelt tel que nous rapporte le magazine en ligne www.zoomeco.net dans un de ses articles du 10 aout 2020.
Bien plus, dans le cadre d’un marché encore plus conséquent de 2 milliards $ visant cinq projets différents, l’enquête qu’à consacrée Global Witness aux marchés conclus par CNMC avec la GECAMINES a révélé l’existence d’accords opaques et aux modalités douteuses.
Notons que les incohérences et le manque de transparences sont légions dans les projets miniers en RDC. De quoi ne pas soutenir le développement attendu du secteur !
- NOS RECOMMANDATIONS
Tenant compte de ce qui précède, vous trouverez ci-dessous nos recommandations adressées au gouvernement de la RDC :
- Primo : Changer le « paradigme de développement du secteur minier » de la RDC en intégrant les aspects de métallurgie afin de :
Greffer la RDC dans le « circuit mondial » et, par conséquent, de jouer un rôle majeur dans la transition énergétique mondiale pour laquelle le « cuivre et le cobalt » congolais sont des intrants de base ;
- Secundo : Envisager non pas une seconde modification (ou mise à jour) du code minier congolais mais plutôt une « mise à niveau » conceptuelle ce dernier en élaguant toutes idées néocolonialistes limitées à l’extraction du brut pour intégrer des aspects innovants qui concernent à la transformation local de nos minerais, donc le développement de l’industrie métallurgique (primaire et secondaire) congolais ;
- Tertio : Renforcer la gouvernance dans le secteur minier afin d’augmenter la transparence, de limiter la fraude fiscale et parafiscale, d’empêcher la signature des contrats léonins et de combattre le détournement des fonds publics.
A ce sujet, au cours d’une de nos précédentes tribunes consacrée à l’Agence de Prévention et de Lutte contre la Corruption, en sigle APLC, nous avons recommandé quelques solutions au niveau « préventif » afin de permettre au trésor public de capter le maximum de recettes provenant du secteur minier et non laisser-faire pour agir à posteriori ;
- Quarto : Faire la promotion des sources alternatives d’électricité locales afin de soutenir la dynamique d’augmentation de la production minière en forte demande mondiale tel que l’or, le cuivre et le cobalt ;
- Quinto : Soutenir le développement de l’entrepreneuriat local en apportant à la fois un accompagnement au titre de formation, soutien à la structuration des activités entrepreneuriales, de garanties bancaires et d’accès aux marchés publics et privés à la fois au niveau local et international aussi bien pour les coopératives que pour les Petites et Moyennes Entreprises (PME) du secteur minier. Ceci peut se faire à travers la création d’un concept « d’incubateur de la petite entreprise minière et métallurgique » à mettre en œuvre, par exemple, par l’Office des Petites et Moyennes Entreprises Congolaise (OPEC) pour laquelle sa transformation prochaine en « Agence » ainsi que la création d’un « fonds de garantie d’Etat » au bénéfice des PME congolaises constitueront des atouts majeurs.
- Sexto : Préparer, planifier et organiser l’implication des « investisseurs locaux » dans les projets miniers mais aussi dans la mise en œuvre des Investissements Directs Etrangers (IDE) à la fois au niveau de l’extraction que de la transformation en produits semi-fini et fini par l’Agence Nationale pour la Promotion des Investissement (ANAPI). Tenant compte du principe que les IDE se développent mieux dans les pays où il existe des politiques d’incitation au développement de l’investissement local parallèlement aux IDE : considérant que, pour un succès dans le domaine des investissements, les deux doivent aller de pair ;
- Septièmement : Investir d’avantage dans le développement du « capital humain », en particulier, dans la formation professionnelle concernant les filières spécifiques sur les « technologies industrielles minières et métallurgiques de pointe », et ce, afin d’augmenter en quantité et en qualité l’offre de la main d’œuvre local dans l’industrie minière et métallurgique précisément dans les provinces minières du pays. A ce sujet, l’expertise de l’Institut National de Préparation Professionnelle (INPP) pourrait être mise à profit.
- huitièmement : Considérer une « innovation organisationnelle » au niveau du ministère des mines pour la matérialisation du nouveau paradigme de développement du secteur minier en RDC. Ce qui aura pour incidence de modifier l’appellation traditionnelle du ministère des mines en « ministère des mines et métallurgie » afin d’intégrer au niveau du gouvernement la pensée de transformation des minerais extraits du sous-sol dans la politique minière globale du pays tout en tenant compte de toutes les implications possibles au niveau structurel.
- CONCLUSION
« L’homme (ou la femme) qui veut aller loin dans la vie doit être capable périodiquement de se REINVENTER ».
Patrick T. Onoya
C’est sure cette pensée que nous allons conclure notre neuvième tribune intitulée « Vers une nouvelle vision de développement du secteur minier en RDC ». Il est vrai que de manière général l’économie de la RDC, et en particulier, le secteur minier, au niveau structurel, n’a pas beaucoup évolué ; elle a même plutôt régressé 60 après l’indépendance.
Comme nous l’avons dit de façon assez étendu dans les points 2 et 3 (problématique et orientation et la solution), dans la vie, tout est une question de « paradigme » ou de « système de pensée » à changer. C’est le point de départ !
Ceci est en accord avec ce que nous disions en introduction de l’orientation de la solution au point 3 : « to think outside the box » ; que nous avons traduit par « réfléchir au-delà du carcan ». Cette expression devra caractériser le gouvernement de la RDC.
A priori, il sera utile au gouvernement de « se réinventer ». Passer d’un gouvernement réactionnaire à celui d’« acteur » capable de monter au créneau pour mener les reformes nécessaires au developpement attendu du secteur minier congolais.
En entrant pleinement dans le circuit mondial, la RDC va pouvoir se faire respecter et faire beneficier son peuple de la manne minière en cette ère de la transition énergétique.
Néanmoins, cela va nécessiter, au niveau politique, un leadership fort ayant une volonté manifeste et inébranlable de sortir le peuple congolais de l’humiliation et de la honte.
« Qui veut peut, dit-on ! »
Patrick T. ONOYA