Six confessions religieuses sur huit donnent le forcing en faveur de la candidature de Denis Kadima à la présidence de la CENI.
Qu’est-ce qui pousse ces six confessions religieuses, les mêmes qui un an plus tôt avaient endossé la candidature de Ronsard Molonda, le favori du pouvoir d’alors, à prendre fait et cause pour le poulain de M. Tshisekedi ?
Première raison : les pressions, menaces et intimidations
Dans sa lettre adressée jeudi 29 juillet aux représentants des sept autres confessions religieuses les invitant à reprendre les discussions le lendemain afin de désigner une candidature réellement consensuelle au poste de président de la CENI, Monseigneur Utembi, l’archevêque de Kisangani et président de la Conférence Épiscopale du Congo (CENCO), écrit noir sur blanc que les chefs religieux subissent des pressions en faveur du « candidat X (Denis Kadima, proche de Félix Tshisekedi, présenté par l’Église Kimbanguiste) au détriment du candidat Y (Cyrille Ebotoko, le candidat de la CENCO, approché lui pour se désister en faveur de Kadima) ».
Ce faisant, Mgr Utembi ne fait pas autre chose que de réitérer les propos qu’il avait déjà tenus dans un communiqué daté du 23 juillet dernier et signé, rappelons-le, par l’ensemble des huit confessions religieuses.
L’Archevêque évoque les nombreux témoignages de chefs religieux qui ont « personnellement été intimidés, pour ne pas dire menacés, par certains agents du pouvoir, voire certaines autorités qui les ont enjoints de voter pour X ». Il fait par ailleurs référence au fait que certains candidats (notamment le candidat Y) ont subi des pressions pour retirer leurs candidatures afin que « les confessions qui les présentent votent in fine pour le candidat X ».
Deuxième raison : les avantages matériels et financiers
L’information-un secret de Polichinelle en réalité à Kinshasa-a été confirmée par Monseigneur Utembi dans son courrier du 29 juillet. Celui-ci cite l’exemple d’un chef religieux qui a déclaré avoir été approché « par un autre membre de la plateforme lui proposant de voter pour le même candidat présenté comme candidat du pouvoir en contrepartie d’une jeep ». Selon plusieurs sources, le chef religieux en question serait Dodo Kamba, le pasteur de l’Église du Réveil (voir ci-dessous).
D’autres témoignages évoquent de fortes sommes d’argent qui auraient été proposées aux responsables de certaines des confessions religieuses. C’est le cas de ce chef religieux, cité par Mgr Utembi, qui a déclaré à ses collègues avoir été approché « à l’hôtel Béatrice par un quidam qui est cité dans le compte rendu de la plénière du 13 mai 2021 avec une somme colossale pour voter en faveur du candidat X ».
Des méthodes qui sont exactement les mêmes que celles utilisées il y a un an par le FCC de Joseph Kabila pour tenter d’imposer à la tête de la CENI la candidature de Ronsard Malonda.
Troisième raison : l’intérêt politique, institutionnel ou personnel
Mais, ces « agents du pouvoir » que dénoncent Mgr Utembi (en clair, certains membres de l’entourage de Félix Tshisekedi) disposent d’un autre type de carotte pour s’assurer du vote de certaines confessions religieuses. Nombre d’entre elles ont en effet, à divers titre, besoin de la bienveillance du pouvoir et de ses bonnes grâces.
C’est le cas de la Communauté islamique du Congo (COMICO). La situation actuelle de son représentant légal, Cheikh Abdallah Mangala, est précaire. Celui-ci est contesté par deux autres chefs religieux musulmans, Cheikh Ali Mwinyi, son prédecesseur, et Cheikh Tshibondo. Selon eux, l’assemblée qui a élu Cheikh Abdallah Mangala à cette fonction en début d’année ne l’a pas fait dans les règles. Ils ont donc déposé chacun de leur côté un recours en annulation de la décision de l’assemblée élective devant les tribunaux. Ces recours étant encore pendants, le pouvoir a laissé miroiter des décisions favorables à Cheikh Abdallah Mangala en échange de sa signature sur le PV désignant Denis Kadima comme président de la CENI.
Mais cette position a de quoi décontenancer l’écrasante majorité de la communauté musulmane. La COMICO disposait en effet d’un excellent candidat en la personne de Majaliwa Shabani, qui a travaillé 17 années durant à la CENI et est réputé pour son professionnalisme et son intégrité, « qualité rare à ce poste et si manifeste dans son cas qu’elle est même reconnue par certaines des autres confessions religieuses », comme l’a fait observer l’un des ambassadeurs reçus par la CENCO au lendemain de l’échec de la désignation du président de la CENI. Comment, dans ces conditions, expliquer que le représentant légal de la COMICO ne l’a pas soutenu et lui a préféré le candidat présenté par une autre confession religieuse ?
Plus évident encore est le cas de l’Eglise du Réveil dont le leader, Dodo Israël Kamba Balanganay, est devenu le porte-parole autoproclamé du groupe des six confessions religieuses dissidentes, comme l’illustre la conférence de presse du mercredi 4 août. Il faut dire que celui-ci n’est autre que le pasteur de Félix Tshisekedi, lequel est en retour le parrain de mariage de sa fille. On se rappelle qu’au lendemain de la décision controversée de la Cour constitutionnelle validant la « victoire » de Félix Tshisekedi lors de la présidentielle de décembre 2018, Dodo Kamba fut l’un des trois pasteurs à entourer de ses mains le nouveau président qui s’était pour l’occasion mis à genou (voir photo), ce qui à l’époque lui avait valu un tombereau de critiques sur les réseaux sociaux. Dans ces conditions, il n’y a rien d’étonnant à voir Dodo Kamba se muer ces derniers jours en « lobbyiste en chef de Félix Tshisekedi », pour reprendre l’expression d’un haut-responsable d’une des confessions religieuses.
En quête permanente de reconnaissance institutionnelle (elle fut tour à tour aux côtés de Mobutu, de Kabila père, puis de Kabila fils), l’Eglise Kimbanguiste a, encore une fois, cédé aux sirènes du nouveau pouvoir. Il y a un an, au moment où le FCC de Joseph Kabila avait encore les principaux leviers en main, elle avait comme un seul homme endossé la candidature de Ronsard Malonda. Elle a depuis opéré un revirement à 180 degrés. Pour acheter sa loyauté, Félix Tshisekedi lui a fait deux promesses. La première : rendre le 12 septembre, jour de la naissance de Simon Kimbangu, le prophète fondateur de cette église, férié, chômé et payé en RDC. Ce qui n’avait d’ailleurs pas manqué de provoquer une vive émotion au sein de la communauté musulmane qui demande de longue date, sans succès, que le jour de l’Aïd soit un jour férié (le Congo étant un pays laïc, toutes les confessions religieuses devraient, fait-elle observer, être mises sur un pied d’égalité et donc disposer d’un jour férié extrait de leur calendrier). Deuxième promesse faite par M. Tshisekedi : construire sur les deniers publics un temple à Nkamba, dans la province du Kongo Central (ex-Bas Kongo), lieu de naissance de Simon Kimbangu devenu pour les adeptes de cette église un lieu de pèlerinage.
La carotte et le bâton
C’est donc à la fois en maniant le bâton (pressions, menaces, intimidations) et la carotte (financière, matérielle, mais aussi politique et institutionnelle) que l’entourage du président Félix Tshisekedi s’est assuré du soutien de six confessions religieuses sur huit.
Seules les Églises catholiques et protestantes manquent à l’appel. Et pour cause : elles qui représentent 80 % des fidèles en RDC (et ne peuvent donc, n’en déplaise à Dodo Kamba qui s’accroche au principe « une église une voix », être mises sur le même plan que les autres) sont très institutionnalisées. Elles sont donc nettement moins perméables aux tentatives de corruption qui sont sous Félix Tshisekedi aussi systématiques qu’elles l’étaient sous Joseph Kabila.
Lors d’une interview accordée à Voa Afrique, Félix Tshisekedi s’est disculpé de la responsabilité des politiques dans le blocage persistant pour la désignation des animateurs de la CENI.
Au cours de l’interview, le Chef de l’État congolais a renvoyé la balle dans le camp des confessions religieuses tout affirmant avoir instruit le président de l’Assemblée nationale quant à cette question.
Eu égard à ce qui précède, le président du regroupement politique le Centre démasque le jeu des politiques au mieux du camp au pouvoir dans le dit blocage.
Pour Germain Kambinga, les élections c’est une question politique par exemple.
«Les élections sont une question politique que dis-je c’est la question politique par excellence. Si le blocage persiste c’est en réalité du fait de la défiance entre politiques, l’attitude des religieux n’est que le symptôme apparent d’un malaise politique profond», a-t-il écrit sur son compte Twitter.
Si le consensus est à ce point difficile à trouver, le Centre qui se veut être une force proposition avait estimé qu’il était salutaire de convoquer un dialogue qui puisse permettre au pasy de sortir de cette impasse.
« Il y a encore du temps. Il ne faut pas que les gens considèrent qu’il n’y a plus de temps », a fait savoir l’Ancien Ministre de l’Industrie de la République Démocratique. En même temps, soutient-il que l’idée d’un vrai dialogue ne doit nullement être exclue. Par les dialogues, a-t-il rappelé, la République Démocratique du Congo a pu surpasser les périodes les zones les plus sombres de son histoire et continuer son élan de reconstruction, depuis l’époque du Maréchal Mobutu à celle de Joseph Kabila, Allusion faite au dialogue intercongolais, la conférence nationale souveraine, au dialogue de concertation nationale, au dialogue de l’Union Africaine ainsi qu’au dialogue du Centre interdiocésain sous la férule des Evêques de la Conférence Episcopale Nationale du Congo. «Ce sont ces dialogues qui ont permis au pays de retomber sur ses jambes pour faire quelques pas. C’est grâce à ces dialogues que le Congo réussit jusque-là à avancer», a épinglé Germain Kambinga qui, par ailleurs, invite les congolais à faire confiance au Gouvernement de la République dont le bilan, à cinq mois du travail, sera difficile à faire au regard de l’immensité de la RDC.
Par GABA.T